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« Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli » : l’implacable dossier

Personne ne doute sérieusement que le lieutenant Le Pen ait torturé pendant la guerre d’Algérie. Mais le grand mérite du livre de Fabrice Riceputi, Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli (Le Passager clandestin, 144 pages, 17 euros), est de rassembler pour la première fois cet implacable dossier, auquel Le Monde a pris sa part.
Jean-Marie Le Pen ne l’a pas toujours nié. « Nous avons reçu une mission de police et nous l’avons accomplie, selon un impératif d’efficacité qui exige des moyens illégaux…, disait-il en mai 1957, en pleine bataille d’Alger. S’il faut user de violence pour découvrir un nid de bombes, s’il faut torturer un homme pour en sauver cent, la torture est inévitable, et donc, dans les conditions anormales où l’on nous demande d’agir, elle est juste. »
Jeune député poujadiste, il récidive un mois plus tard à l’Assemblée nationale, et se fait plus précis encore le 9 novembre 1962. La guerre est terminée et l’impunité garantie par une amnistie, il déclare au journal Combat : « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire. » Il fera ensuite publier un démenti mou dans le journal.
Le président du Front national l’a ensuite toujours contesté, et il a, jusqu’en 2000, gagné tous ses procès en diffamation. Au fil des années pourtant, les révélations s’accumulent. En juillet 1984, Louis-Marie Horeau, dans Le Canard enchaîné, recueille des récits de victimes, puis Libération titre en « une », le 12 février 1985, « Torturés par Le Pen ». Lionel Duroy et Joëlle Stolz publient le récit circonstancié de cinq victimes et de leur supplice. L’un d’eux raconte l’exécution sommaire d’un prisonnier commise sous ses yeux par le lieutenant Le Pen.
Le 20 mars suivant, Libération publie un nouveau témoignage, celui de Mohamed Moulay, dont le père a été torturé et tué devant lui dans sa propre maison. Il montre à Lionel Duroy un poignard que le lieutenant Le Pen a perdu pendant cette nuit de mars 1957. Un poignard des Jeunesses hitlériennes, qui porte sur sa lame l’inscription « JM Le Pen 1er REP ».
Mais le chef de file du FN se dit victime d’une « machination » et poursuit systématiquement les journaux. Il joue sur du velours : les faits sont amnistiés et prescrits. Le Pen, hors de lui, lance à propos de Mohamed Moulay , lors d’un procès raconté plus tard par la journaliste du Monde Florence Beaugé : « Celui-là, j’aurais mieux fait de le buter avec son père cette fameuse nuit. »
Le Canard et Libé sont relaxés en 1985, mais condamnés en appel l’année suivante. La cour estime, en s’appuyant sur le démenti envoyé à Combat, que Jean-Marie Le Pen « n’a jamais revendiqué le fait d’avoir personnellement pratiqué la torture », décision confirmée en cassation en 1989. Il fait aussi condamner le journaliste Michel Polac et son ancien camarade parachutiste Jean-Maurice Demarquet, qui assurait avoir lui aussi, comme Le Pen, torturé des Algériens.
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