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Disparitions, humiliations et mauvais traitements : le calvaire des civils de Gaza arrêtés par Israël

Le 7 décembre 2023, en milieu de matinée, des soldats israéliens ont pointé leurs armes sous les fenêtres d’Ayman Lubbad, à Beit Lahya, dans l’extrême nord de la bande de Gaza, et sommé les habitants du quartier de sortir de leur maison, un à un. Les hommes ont été contraints de se déshabiller. Le Palestinien de 31 ans, avocat et chercheur pour l’ONG palestinienne de défense des droits humains Palestinian Centre for Human Rights (PCHR), s’est retrouvé en caleçon au milieu de ses voisins, tous en rang, agenouillés sur un trottoir.
Ces dernières semaines, des arrestations de masse, à Gaza, ont été révélées par des dizaines de vidéos, souvent filmées par les soldats eux-mêmes. Le scénario est presque toujours le même : les militaires assiègent un bloc d’habitations, crient les noms des familles de la zone dans des mégaphones. Les enfants sont mis à l’écart. Parfois les femmes sont séparées d’eux, et certaines doivent enlever leur voile et sont arrêtées.
Les hommes, de l’adolescence à la soixantaine, sont, eux, systématiquement arrêtés et déshabillés – l’armée dit craindre qu’ils portent des ceintures explosives, mais assure qu’« ils sont autorisés à se rhabiller le plus rapidement possible ». Vidéos et témoignages réunis par Le Monde montrent au contraire que les prisonniers sont gardés des heures à moitié nus. « Certaines des vidéos sont très humiliantes pour les personnes qui sont détenues, c’est une violation claire du droit international », remarque Ajith Sunghay, chef du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (OHCHR) dans les territoires palestiniens occupés.
L’armée israélienne nie mener des arrestations au hasard : selon elle, ces hommes sont « suspectés d’activités terroristes ». Après les attaques du Hamas, le 7 octobre, qui ont fait 1 200 morts en Israël, l’Etat hébreu a mené une campagne de bombardements d’une intensité inouïe sur Gaza et ordonné aux habitants du nord de l’enclave de fuir vers le centre et le sud, mi-octobre, avant de lancer son invasion terrestre. Plus de 24 000 Palestiniens ont été tués, en majorité des femmes et des enfants. Aux yeux de l’armée, ceux qui sont restés dans le nord de la bande de Gaza sont forcément suspects. Ayman Lubbad, lui, ne pouvait pas partir. « Ma femme avait accouché fin octobre », explique l’avocat, joint par téléphone à Rafah dans le sud de l’enclave, où il s’est réfugié après sa libération.
Une fois rassemblés, les détenus palestiniens sont identifiés par le biais d’un système de reconnaissance faciale, puis emmenés, pour la plupart, à l’extérieur de leur quartier. « Certains ont rapporté qu’ils avaient entendu des coups de feu et que des gens qui les accompagnaient n’ont pas reparu. Nous faisons l’hypothèse que beaucoup ont été tués lors d’exécutions extrajudiciaires. Nous n’avons pas de vidéos ou de témoins directs, mais des cadavres ont été retrouvés, nus, le corps criblé de balles », rapporte Raji Sourani, le directeur du PCHR, qui parle au Monde par téléphone, du Caire.
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